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COVID19 : Employeurs, le gouvernement vous pousse-t-il à vous mettre dans l’illégalité ?

COVID19 : Employeurs, le gouvernement vous pousse-t ‘il à vous mettre dans l’illégalité ?

Je dois reconnaître que j’ai été un peu déconcerté par les différentes interventions, parfois contradictoires, de nos élus, du Président en passant par nos ministres ou encore certains élus locaux.

Il est essentiel, de l’avis des scientifiques et des médecins :

  • soit de confiner totalement les populations à risque et de laisser le virus se propager dans le reste de la population pour créer une immunité globale, ce qui arriverait quand environ 60 % de la population aura guéri, mais implique beaucoup de pertes humaines.
  • soit de confiner le plus possible l’ensemble de la population (sauf la partie qui travaille dans les organes strictement indispensables au jour le jour) afin d’étaler sur le temps la propagation du virus et ainsi éviter de déborder les hôpitaux sur des pics de contamination, mais cela implique que les services de l’État approvisionnent les foyers.

L’option choisie par la plupart des gouvernements, dont le nôtre, est intermédiaire : on limite les sorties de tous à des cas dérogatoires plus ou moins précis et l’on continue à faire fonctionner les entreprises qui peuvent poursuivre leur activité. Ce que beaucoup ont compris et tentent de faire du mieux possible.

 

Madame Muriel Penicaud nous a expliqué qu’il fallait « travailler différemment », qu’« il y a des solutions » citant par exemple des plaques de plexiglass positionnées au niveau des caisses dans les supermarchés. Effectivement il existe des solutions. Je n’ai pourtant pas entendu d’exemples d’actions concrètes pour le secteur du bâtiment, pourtant si vertement critiqué en citant l’irresponsabilité d’un syndicat patronal : la CAPEB.

 

Parce que je pense que ce discours est quelque peu déconnecté de la réalité du terrain, je vais prendre l’exemple de mon couple pour lequel je serais heureux d’avoir des solutions :

  • Pour EOSE, nos intervenants doivent se rendre chez nos clients pour nos interventions ou formations. Et il est impossible de faire une analyse d’activité (audit terrain) sans se rendre sur place. Les entreprises limitent les entrées/sorties des extérieurs au strict nécessaire. Autant dire que tous nos rendez-vous ont été annulés. Télétravailler sur les bribes d’intervention possibles à distance est très compromis (surtout quand il faut, comme moi, organiser l’école à la maison d’un enfant de six ans avec un bébé d’un an).

  • Ma femme est ostéopathe, comment s’occuper en sécurité des patients pour des troubles fonctionnels, les manipuler pendant 45 min pendant plusieurs heures par jours avec une très grande proximité, en sécurité quand il n’y a pas de masques ou de gants disponibles. Même si le téléphone sonnait encore, puisque les soins ostéopathiques, selon les précisions du Premier Ministre ce lundi, ne sont pas considérés comme une raison valable pour une dérogation de déplacement, elle ne pourrait que faire des soins à domicile, dans un environnement de travail non maîtrisé et potentiellement contaminé.

 

Tous les deux, nous n’avons pas, au regard de la situation, d’activité essentielle pour la survie de la nation. Nous sommes au point mort, qu’on le souhaite ou pas. De vous à moi, nous avons à cœur de sauver nos activités respectives, et pourtant nous ne souhaitons pas être contaminé ou contaminant. C’est la demande de notre Président il me semble ?

 

 

Revenons au discours de Madame Penicaud.

La loi nous dit :

L’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (Art L4121-1 du CdT). Pour y parvenir il doit, entre autres, mettre en place une organisation et des moyens adaptés afin d’assurer les actions de prévention des risques professionnels. Le risque infection est un risque professionnel, d’autant plus en situation d’épidémie.

De plus, l’employeur se doit de respecter les 9 principes généraux de prévention (Art L4121-2), je n’en citerai que trois qui sont essentiels dans notre cas :

  • Eviter les risques

Dans le cas présent, c’est le confinement. Pas d’autre solution. Donc le télétravail pour ceux qui le peuvent.

 

  • Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités

Je pense que tous les professionnels de la prévention me rejoindront pour dire que le risque infectieux dans le cas du COVID19 est « rouge cramoisi » en ce qui concerne son évaluation. Des porteurs asymptomatiques (danger « invisible ») donc une fréquence d’exposition sans doute plus importante qu’on ne peut l’imaginer, et une gravité qui peut aller jusqu’au décès…

 

  • Prendre les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle

Dans l’exemple des caisses de supermarchés, le plexiglass peut représenter une protection collective. Mais les caissières ont contact avec la monnaie, les CB, les articles touchés par les clients, le tapis roulant… Le transfert de virus est possible. Alors donner douchette pour chaque client et caisses automatiques ? Difficile à mettre en place rapidement et sans causer d’immenses files d’attente.

En l’absence de protection collective efficace, on revient à des protections individuelles. Sachant que l’on se touche le visage en moyenne une fois par minute, il faut que les employés aux caisses se retiennent de le faire pendant le passage d’un client et se désinfectent les mains au moins après chaque client. Sur la page d’info du gouvernement (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus), il est dit :

« Les gants sont-ils utiles ?

Non. Les gants peuvent également servir de support au virus après souillage par des gouttelettes (les sécrétions respiratoires qu’on émet quand on tousse, éternue, ou discute), qui sont le moyen de transmission du coronavirus. Porter des gants est donc inutile, sauf dans des situations très spécifiques (personnels soignants réalisant des prélèvements ou gestes à risque). Ce sont les gestes barrières (se laver fréquemment les mains, tousser dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique et les jeter après utilisation) et les mesures de distanciation sociale qui sont efficaces. »

 

 

 

Mais le gel hydroalcoolique peut être agressif pour la peau en usage fréquent, alors des gants changés après chaque client ? Il faut disposer d’un sacré stock de l’un et de l’autre.

 

Allons au bout du raisonnement pour le BTP. Vous travaillez sur un chantier. Vous apprenez que l’une des personnes qui a travaillé avec vous jusqu’à présent ne vient pas parce qu’elle manifeste des symptômes correspondants à ceux du COVID-19 mais que, puisque les tests sont principalement réservés au corps médical, elle ne sera pas testée. Malheureusement, 6 jours après vous êtes également malade, mais vous, vous développez des complications qui peuvent entraîner des séquelles permanentes. A l’hôpital, on vous teste positif au COVID-19. Faute inexcusable de l’employeur ? ou faute à pas de chance ? Comment ?  Tu n’avais pas de gants ? Tu n’étais pas à 1m de tous tes collègues de travail en permanence ? (Quiconque a observé un chantier sait combien cela est complexe). Eh bien, en plus d’être un fainéant, tu n’as pas respecté le code du travail : il incombe à chaque travailleur de prendre soin, […], de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. (Art. L4122-1)

 

Kafkaïen, non ?

 

Prenons un autre sujet. L’employeur peut relayer le message du gouvernement (toujours sur la page d’info du gouvernement) :

« Dois-je porter un masque ?

Le port du masque chirurgical n’est pas recommandé sans présence de symptômes. Le masque n’est pas la bonne réponse pour le grand public car il ne peut être porté en permanence et surtout n’a pas d’indication sans contact rapproché et prolongé avec un malade.

Ce sont les gestes barrières et la distanciation sociale qui sont efficaces. »

Ici il y a confusion entre le masque chirurgical, qui protège les autres contre les projections de celui qui le porte et le masque FFP2 qui protège dans les 2 sens contre les agents pathogènes. Ce qui est vrai c’est que le masque a une durée de vie limitée, mais certains masques FFP2 ont des filtres changeables, avec une durée de vie de nombreuses heures. Si le masque FFP2 n’est pas la bonne réponse pour le grand public, ce qui est discutable dans le sens où l’on ne peut pas savoir quand on est en contact rapproché et prolongé avec un malade (les membres de la famille peuvent l’être sans présenter de symptômes, comme la personne frôlée involontairement lors d’une sortie autorisée), ne l’est-il pas pour un travailleur qui, bien que n’étant pas du corps médical, est obligé dans son travail de côtoyer de près des personnes qui pourraient être porteuses du virus ? Jusqu’à vendredi dernier, les stocks des fournisseurs étaient réquisitionnés par l’État et la question était plutôt rhétorique. Aujourd’hui, ils sont de nouveau disponibles chez certains fournisseurs, mais pour la plupart à des prix prohibitifs. L’employeur ne risque-t ’il pas d’enfreindre son obligation s’il n’en fournit pas à ses salariés ?

 

D’un autre côté, le gouvernement semble vous donner les clés pour contourner les réglementations en vigueur et répondre à l’urgence, mais il n’imagine pas une seconde qu’ils font prendre des risques à des salariés ou que les employeurs pourraient se retrouver hors-la-loi sans s’en rendre compte.

Sans entrer trop loin dans la technique sur les repos hebdomadaires ou le régime d’équivalence, quelques précisions sur le 2 :

Le temps de travail pour le personnel roulant inclut le temps de conduite ainsi que le temps passé à d’autres tâches.

L’article D3312-41 du code des transports prévoit :

La durée hebdomadaire du travail des personnels roulants peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine, sans pouvoir dépasser trois mois, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.

Article D3312-45

La durée de travail, dénommée temps de service, correspondant à la durée légale du travail ou réputée équivalente à celle-ci en application de l'article L. 3121-13 du code du travail, est fixée à :

1° Quarante-trois heures par semaine, soit cinq cent cinquante-neuf heures par trimestre dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article D. 3312-41, pour les personnels roulants " grands routiers " ou " longue distance " ;

2° Trente-neuf heures par semaine, soit cinq cent sept heures par trimestre dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article D. 3312-41, pour les autres personnels roulants, à l'exception des conducteurs de messagerie et des convoyeurs de fonds ; [...]

 

Pour faire court, un patron augmente les heures de conduite de son personnel roulant à 60 heures sur une semaine sans avoir, au préalable, demandé l’avis du CE ou des DP, il est déjà en infraction. S’il a fait cette démarche, il peut le faire, mais il a de grandes chances de déchanter la 3ème semaine quand il devra faire rattraper leur repos hebdomadaire perdu par ses chauffeurs.

 

J’imagine que beaucoup d’entre vous ont dû mal à percevoir le fil conducteur de ces tergiversations et que la situation est un peu anxiogène. Nous sommes en pleine expression de facteurs de risques psychosociaux, d’autant qu’il faut rappeler un récent revirement de jurisprudence :

 

« Le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Cass. soc., 11 septembre 2019, nº 17-24.879. »

 

Pour conclure, nous sommes nombreux à ne plus pouvoir travailler, même si nous en avions le choix. A ce jour, nous n’avons que peu d’aides effectives au regard de la situation (les lignes de trésorerie, les reports de charges et d’échéances de remboursement d’emprunts, c’est bien beau, mais ça ne compense pas les baisses de CA, ça ne fait que repousser le moment où il faudra payer), mais, en plus, nous sommes stigmatisés par des membres de l’Exécutif qui semblent tout ignorer de notre quotidien.

 
Pour l'équipe d'EOSE, Matthieu PETIT.


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